Promenons-nous dans les bois
Publié le 15 Juin 2015
D’aucune se souviendront du drame de l’exil en Australie :
« Comment ça pas de morilles ? Et pas de bolets, non plus ? Arghhhhhh !
C’est comme ça que viennent de s’écouler 16 mois, à base d’échanges épistolaires douteux avec Rujha Paris : les douaniers ont dû penser que je montais un trafic échangiste smoked jerky contre champi séchés.
Remarque le monsieur de la douane de Kingsford qui empilait mes sachets de trompettes de la mort et d’oreilles de Judas à côté de ma valise, lui aussi, a dû se dire que les Frogs sont vraiment tous cinglés.
Bref, ça ne pouvait plus durer.
Et comme j’ai la chance de vivre dans un pays pleins de hippies forageurs (Si, si, le Sydneyite se nourrit toute la semaine de latte macchiato et de barquettes de sushis, mais va cueillir des cageots de mandarines et de carottes avec les fanes le weekend) (servir une carotte sans le fane qui dépasse c’est méga has been) (dire « méga » aussi, apparemment), j’ai découvert la Forêt d’Avalon.
C’était bien parti.
A 3 heures de Sydney dans les Blue Mountains, on nous promettait des mushrooms galore, mais attention on est en fin de saison, faudrait pas vous faire une fausse joie mes petits agneaux.
Déjà tu arrives à Avalon…
Je vous passe les quelques milliers de Wombats écrasés.
On s’est quand même arrêtés à l’Office du Tourisme local, pour faire plaisir à Maman qui s’inquiétait, pour vérifier qu’on parlait bien des mêmes spécimens avec la dame.
La dame qui nous a montré des photos, des vidéos et nous a donné une carte en surlignant les coins « intéressants ». La cueillette des champignons à l’Australienne, c’est Disneyland, moi, je vous dis.
Du coup, on était un peu sceptiques.
Enfin, surtout moi.
La Perle, c’était plutôt…
On a fait 5 kilomètres dans la forêt, garé la voiture (toujours en goguette), sorti les couteaux et vissé nos yeux au sol, en évitant de penser aux araignées qui ne manqueraient pas de nous tomber dans le cou au premier penchage-ramassage.
Aux premiers lactaires, on était un peu contents, mais bon, la forêt était tapissée de PLEINS de champignons (voir sur la photo derrière bibis), au moins une dizaine de différents, mais pas un comestible.
A part, les lactaires.
D’où le sourire niais au premier ramassé.
Si j’avais su…
On reprend la voiture, La Perle suggère vaillamment de s’enfoncer un peu plus loin.
… Pour une demi-minute plus tard se faire percer un tympan :
« Là !! Arrête la voiture ! Là, un bolet, là !
N’écoutant que mon addiction, ma… mon…. Nan, mais c’est bien « addiction », c’est approprié. Je me jette donc de la voiture en marche (moi, enceinte ? Si peu….), je sors le canif et je ramasse la bête.
Si, si, la bête.
Et pis, pas moisi, hein, l’engin.
(Oui je mets des gants, le lactaire, ça tache)
Quand je releve la tête, je vois ma Perle qui s’approche de moi, l’air goguenard :
« Fais attention où tu marches et regarde autour de toi. »
Partout, je vous dis, il y en avait de partout.
Bend. Harvest. Repeat.
Toute l’après-midi…
J’en connais un qui était content de s’arrêter pour pique-niquer.
On a ramené 14 kilos de lactaires et de bolets.
Qua-tor-ze kilos, nom d’un mycelium.
A la fin, je croyais que les douaniers allaient venir nous chercher directement au Burrow pour excédent de quota.
Bon j’admets qu’après nettoyage (c’était vraiment la fin de la saison, donc les bolets gorgés d’eau, c’est moyen pour la conservation de la chair), il ne nous restait que 4 kilos.
Qua-tre kilos, nom d’une mycose.
On a mis en pot au vinaigre (avec du fromage fondu, mmm), mis sous vide pour des sauces et des ragoûts et on s’est fait des raviolis aux champi à se taper le spore dans un seau.
Bref, tout ça pour dire, que j’ai de la chance d’avoir une Perle qui me laisse m’adonner à mes délires.